Allaoua Bakha, musicien engagé, penseur, acteur social, arlequin

Par Romain Porquet et Southammavong Oudom, étudiants en Master 1 de musicologie, Université Jean-Monnet.

Billet réalisé à l'occasion du projet Comment sonne la ville ? Musiques migrantes de Saint-Étienne, mené par l'Université Jean-Monnet (CIEREC) et le Centre des musiques traditionnelles Rhône-Alpes, et présenté aux archives municipales dans le cadre de Saint-Étienne cosmopolitaine. Retrouvez le témoignage d'Allaoua Bakha dans l'exposition !

 

Saint-Étienne, le 2 février 2015

Par un après-midi d'hiver, monsieur Allaoua Bakha nous a chaleureusement invités à le rencontrer chez lui pour nous parler d'une importante partie de sa vie : son histoire musicale.

Assis dans son fauteuil, Allaoua Bakha nous parle de ses origines kabyles en nous retraçant le chemin parcouru par ses parents et grands-parents, de l'Algérie à Saint-Étienne : "rien que dans ma famille on est plus de 400 [à Saint-Étienne] !" Après quelques explications sur les concepts musicaux kabyles, il nous parle ensuite plus amplement de son parcours musical, celui qui le définira plus tard comme un homme aux multiples couleurs.

"On écoutait la radio [...]. Ma mère écoutait surtout la chaîne 2 kabyle", nous rapporte le musicien âgé d'une soixantaine d'années, élevé dans la musique kabyle. Après une adolescence baignée dans le rock et la pop anglo-américaine, il créa en 1976, avec ses proches, un groupe qu'ils nommeront Iznaguen.

"Il s'est monté par hasard" : un heureux coup de chance pour Allaoua car après quelques dates et un radio-crochet (Intervilles présenté par Guy Lux), son groupe obtint une certaine notoriété et fut sollicité pour de nombreux événements. Comme souvent dans les années 70-80 avec les groupes musicaux issus de l'immigration en France, Iznaguen était un groupe engagé : "Moi ce que j'aime bien, c'est déconstruire les évidences". Leur volonté était de questionner en musique, et en langue kabyle, toutes les choses établies, acquises, de notre société.

Durant plusieurs années, Allaoua Bakha a beaucoup donné de sa personne au sein du centre social dont il était le directeur. Longtemps impliqué auprès de la communauté, il a récemment reformé son groupe Iznaguen, après une pause de trente ans. Leur objectif principal : faire quelques dates, et surtout se faire plaisir. Mais aussi aller encore un peu plus loin dans le métissage musical et mettre à profit l'expérience musicale, culturelle et sociale acquise ces trente dernières années : Iznaguen se dessine désormais comme un grand mélange de cultures, tant musicales que linguistiques, et d'individus issus de diverses origines.